Letter from Barthelemi Tardiveau to St. John de Crevecoeur, 7 October 1789

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Title

Letter from Barthelemi Tardiveau to St. John de Crevecoeur, 7 October 1789

Description

In second letter dated 7 October 1789 Tardiveau writes St. John de Crevecoeur regarding the growing of cotton in Kentucky and Cumberland (Tennessee), trade possibilities with Spanish Louisiana, and the planned manufacture of cotton cloth in Kentucky for local use and export, including the establishment and activities of a manufacturing "society." He also relates the suicide of a Major Dunn in Kentucky due to an unfaithful wife. Everyone is trying to depict him as a madman but Tardiveau does not agree. Tardiveau asks Creveoeur not to mention it to John Brown because his friend Harry Innes was Mrs. Dunn' s "Knight-errant in this affair." Tardiveau relates that it is hard for him to collect the topographical data he would like to send him. "Those of our surveyors whom I asked promised a great deal, but are in no hurry to keep their word; and they all live at such great distances from here and from each other that it's very seldom I have a chance to see one of them. The area Tardiveau was interested in was apparently Kentucky and Cumberland (Tennessee).

Source

Manuscript Collection, Filson Historical Society

Date

Relation

bmf0085

Language

Type

Identifier

Mss. C T

Text

Danville Octre 7e 1789.

Monsieur et bon ami

J'ai enfin votre lettre du 29 Aout, la premiere que j'aie recue de vous depuis mon depart de Philadelphie. Je vous remercie beaucoup des details interressants qu'elle contient ainsi que des gazettes qui l'accompagnaient. - Vous avez donc tous pris l'essor cet Ete passe; vous et Miss Fanny vers l'Est; Mr sur les frontieres du Canada; et Mr et Made de la Forest au haut de la riviere d'Hudson? je souhaite, detout mon coeur que [?] devos compagnies ait trouve dans son excursion le contentement de l'esprit et la sante de corps. Les promenades de Miss Fanny a cheval, et la satisfaction donc elle doit jouir au milieu d'amis empresses a lui procures des plaisirs, ne peuvent qu'avoir un bon effet sur son temperament et son caractere: il lui faut pendant quelque tems la secousse de la dissipation et de l'exercise. Ses affections ont ete trop concentrees jusqu'a present: tout ce qui l'environnait lui a ete trop etranger: il sagit maintenant de la tirer d'elle meme; que son ame se repande au dehors, et ouvre pour ainsi dire toutes ses portes afin d'y admettre des sensations de tous les genres. Un nouvel
Univers va etre cree pour elle; car les objet sur lesquels l'aure ne s'arrete pas n'existent point pour nous: on peut donc dire que le monde physique et moral n'ont encore passe devant ses yeux que comme les figures d'une lanterne magique, aux quelles elle ne prenait pas assez d'interet pour en conserver les traces dans son coeur et dans son imagination. Il m'a semble quelquefois que, faute de reflechir ace principe de sa froideur, vous en donniez mal a-propos le tort a la nature. Sans impulsion, les corps les plus elastiques demeurent dans l'inertie; mais il ne faut qu'un choc leger pour les faire se mouvoir avec rapidite. Esperez donc tout de la vie active dans laquelle Miss Fanny est maintenant engagee; et je vous felicite d'avance de tout se que vous trouverez, a son retour, qu'elle aura gagne en amabilite.

Vous me donnez une vraie preuve de votre amitie, en m'instruisant de tout ce qui interresse vos aimables enfants. Ally marche a grands pas dans la carriere des connaissances et du merite, et justifie bien votre tendre affection pour lui. - Eh bien! voila ma doctrine prouvee par l'exemple de Louis Croyez-vous, mon cher ami, qu'un esprit nouveau ait subitement de forme en lui? que les organes de son cerveau aient tout a coup acquis de la souplesse et de l'extensibilite? non; tout cela existait deja; mais tout cela dormaie, parceque l'idee mere, l'idee creatrice n'etait pas encore eveillee. Dans la grande echelle qui forme le systeme de nos perceptions et des connaissances
humaines, il est des esprits qui, a quelque marche qu ils frappent, se reconnaissent toujours: ils voltigent legerement de l'une a l'autre, en haut, en bas, et ne manqueat jamais de se raurocher. D'autres au contraire, s'ils one manque e premier echelon, ne savent plus: ou donner de la tete, et decouvrent tous les signes de la stupidite, jusqu'a ce qu'un heureux hazard les rametre au premier gradin; alors ils montent sans difficulte. Ceux ci sont moins brillants; mais plus solides et plus methodiques.

Il m'est fort difficile de rassembler les materiaux topogra= phiques que je desirerais de vous envoyer. Ceux de nos Arpenteurs a qui je m'etais addresse ont promis beaucoup, mais ne se pressent queres de remplir leur parole; et ils demeurent tous a de si grandes distances d'ici, et les uns des autres, que c'est bien rarement que j'ai l'occasion de voir quelqu'un d'entr'eux. On execute maintenant a Cumberland une Carte de ce district, laquelle doit etre imprimee a Lexington par souscription: aussitot qu'elle sera publiee je vous en enverrai un ou deux exemplaires.

Notre entreprise de manufacture est poussee avec vigueur La collection des fonds s'est faite avec beaucoup moins de peine que je ne l'avais craint; car l'argent est ici d'une rarete dont vous n'avez pas d'idee. Si Mr de Warville vivait parmi nous, il sa convainerait bientot de l'illusion de soir systeme, qu'une nation n'a pas besoin de numeraire pour trafiquer avec elle meme.
Le plus petit marche entre deux particuliers ne peut s'executer qu'a l'aide de circuits et de detours inconcevables. Neanmoins les payments pour notre manufacture ont ete reguliers; et plu= sieurs personnes ayant depuis peu temoigne se desir d'y etre interres= sees, nous avons arrete d'augmenter le Capital et d'ouvrir une nouvelle souscription. Dans notre derniere Assemblee, il fut decide qu'on choisira immediatement un President, un Vice president, trois Directeurs, un Tresorier, et un Secretaire, et que ces Officiers seront eligibles tous les ans au primier de Septembre. L'edifice sera tout bati en pierres, et les materiaux sont deja en partie prets.

Je m'imagine voir d'ici a mauvaise humeur que vous cause le nouveau regime des Paquebots Francais; et il faut convenir que le detail que vous m'en faites est bien degoutant. Quelle mesqui= nerie, et quelle ignorance! Nous sommes encore bien neufs dans les affaires de mer: ou l'art de tromper le Ministere trouve encore bien des protecteurs. Voila donc une miserable charrette, attellee de cinq Matelots pouilleux, devenue le vehicule de la correspondance d'un grand Roi et du premier Royaume de l'Europe avec une nation interressante pour la France sous tous les points de vue! Il est des Francais qui ne se soucient gueres d'avilir leur pays. Ce ne sont pas les Ministres qu'il faut blamer. Dans l'effervescence actuelle des affaires et des esprits, il est impossible qu'ils puissent trouver le loisir de s'occuper d'une entreprise de cette nature. Mais ceux qui les trompent,
regles vers les manufactures, ils n'ont pas une grande surabondance des productions premieres dont le superflu soit tel qu'ils puissent le donner a un prix modere en echange de ce qu'ils seront obliges d'importer? S'ils fabriquent tous leurs besoins, l'etranger n'a plus rien a leur fournir; et que deviendra alors le superflu de leurs productions? faute d'ache= teurs, il faudra qu'ils se bornent a ne cultiver que pour leur propre consommation, et des lors on peut predire la decadence totale de l'agriculture. Car quand on ne compte plus sur un ecoulement au dehors, on ne seme que ce qui est necessaire pour la subsistance d'une annee; et le moindre accident, le moindre derangement dans les Saisons, est infailliblement suivi d'une disette, et celle-ci de la pauvrete. Comment un Philanthropiste comme vous peut-il se rejouir de voir s'etendre en Amerique les manufactures qui sont la mort de la population et le burceau des vices? Les ouvriers qu'elles emploient se devouent presque tous au celibat, par une infinite de raisons que vous connaissez sans que j'en fasse mention; et des que les hommes se reunissent ils se corrompent. Mes idees sur ce sujet demanderaient un volume pour les developer, mais je me contenterai de ce faible appercu. Les Americains sans doute peuvent et doivent avoir quelques manufactures; je ne pretens combattre que la pente generale qui les y porte sans distinction. Mr de Warville a judici eus eurent trace la ligne qui doit leur servir de regle a cet egard. Qu'ils manufacturent tous les articles dont la valeur principale est le prix de la matiere premiere, qui sont de leur cru, et aux quels la main d'oeuvre ajoute peu de
chose: mais qu'ils achetent de l'etranger tous les objets qui valent peu en ceux-meures et au prix desquels l'industrie de l'ouvrier a la meilleure part. Apres avoir la votre lettre, je tom= bai sur une des gazettes que vous m'avez envoyees; et j'y las qu'on avait mis dans le Connecticut un Embargo sur les productions. Quoi! dans cette fertile Province on est reduit a defendre l'exportation des produits de l'agricuture de crainte d'occasionner une disette; et les manufactures s'y multiplient: N'est-ce pas la un des arguements les plus forts qu'on saurait faire contre celles-ci?

Permettez-moi de vous dire, mon cher ami, que votre reflexion contre les habitants des Illinois n'est pas dictee par cette impartialite philosophique, par cet amour des hommes, que je vous connais. Oui, ils se sont presque tous retires sur la rive Espagnola: mais ce n'est pas, comme vous l'insinuez, parcequ'il leur faut des Pretres et des Eglises. Ils ont des Pretres et des Egises; et ce n'est pas a vous qu'il faut apprendre que le gouvernement Americain ne leur oterait ni l'un ni l'autre s'ils restaient. Ils ont ete forces d'abandouner leurs etablissements pour mettre a l'abri leur propriete, leurs negres, qu'un Acte injuste d'un Congres ignorant et inapplique aux affaires les mettait en risque de perdre. L'emigration d'une Colonie aussi considerable est un eveneruent dout l'esprit de recherche et
d'observation peut desirer de connaitre les causes; et si elles sont presentees dans un faux jour, par quelqu'un aussi digne que vous de la confiance des Europeens, quel moyen leur restera-t-il de connaitre la verite et de fider le blame ou il devrait l'etre? Vous savez ce que j'ai fait pour obtenir la cassation de cet acte du Congres qui a si justement allarme les habitants des Illinois: vous savez que les Membres de ce Corps m'avaient promis de l'aneantir ou de le modifier; mais que leur dissiption et leur insouciance ne leur en ont jamais laisse le tems.

Nous vous etonnez que nous ayons des suicides en Kentucky le cas dont vous parlez n'est pas le premier depuis que je demeure ici; nous en avons eu deux autres tres remarquables au paravant. Je ne vous ai point parle dans mes precedentes lettres de la fin tragique du Major Dunn, parceque des raisons de delicatesse m'ont fait une loi de ne pas m'expliquer sur cet eveneurent. J'avais voyage avec lui depuis Pittsburgh jusqu'a Lexington; et je suis tres assure qu'il jouissait de tout son bon sens; et il en avait beaucoup: ses affaires ne paraissaient pas non plus en mauvaise posture. Sa mort n'a ete occasionnee par aucune de ces deux causes. Mais ayant eu peu apres son retour des raisons tres fortes de soupconner la fidelite d'une epouse qu'il idolatrait, il se convainquit bientot de l'infamie dont elle le couvrait. Jamais homme n'a pris ses mesures avec plus de sangfroid
pour convertir ses doutes en certitude. Singulierement delicat dans sa facon de penser, il crut ne pouvoir plus exister avec honneur et avait meme resolu d'oter la vie a son fils unique pour l'arracher a l'opprobre. Ses lettres a sa femme et a l'auteur de sa disgrace, un neveu qu'il avait eleve dans son sein, lettres ecrites trois jours avant a funeste catastrophe, et que j'ai lues, portent toutes l'un preinte d'un jugement sain et d'une grande sensibilite. Quelques personnes, egarees par un faux sentiment d'humanite, ont entre pris de le faire passer pour fou, et sa femme pour une Lucrece. On a fait l'honneur a mon opinion d'employer tout l'art du sophisme pour gagner ma voix en faveur de la Dame; mais c'etait en meme tems offrir une insulte a mon jugement; et tout ce que j'ai pu accorder, ca ete de me taire. - Ne parlez point de ceci a Mr Brown, parceque l'homme qui a ete dans cette affaire le Chevalier de Made Dunn est notre Avocat general, l'ami de Mr Brown.

On avait fait cette annee beaucoup d'essais en grand sur la culture du Coton en Kentucky; mais les gelees de Septembre l'ont tout brule sans en laisser une seule plante. Notre climat ne lui est pas favorable; et nous serons toujours obliges de le tirer du Cumberland: mais les fraix de transport par terre, a dos de cheval, ne sont actuellement meme que de deux pence par livre: dans la suite ils seront moindres; et moindres encore par eau.
Jamais de ma vie je n'ai ecrit si mal; en savez-vous la raison? c'est que mon scriture ressemble a la maniere de travailler aux tapisseries des Gobelins: je l'execute sans voir le dessein. Mon ecrire est si pale, que la pensee est peinte et deja loin de moi, avant que les mots qui la reprisentent commencent a montrer leur nez. J'ai ete dans un tourment perpetuel en griffonant cette lettre; et pour y mettre fin le plutot possible, je finis la termine sans ceremonie.

Votre tres humble Serviteur B: Tardiveau

Citation

Tardiveau, Barthelemi, “Letter from Barthelemi Tardiveau to St. John de Crevecoeur, 7 October 1789,” The Filson Historical Society Digital Projects, accessed April 24, 2024, https://filsonhistorical.omeka.net/items/show/5191.